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Valorisation du patrimoine

Introduction

Mira bellum, Mirabilis, Mirabel

 

Mira bellum voulait dire en latin Regarde, admire, étonne-toi de la beauté, de la grâce, regarde ce qui est beau.

 

Cette phrase n’est pas la citation d’un philosophe qui encouragerait l’être à aiguiser son regard pour s’étonner, dans tous les recoins de la vie, de la beauté qui y est enfouie.

 

C’est le nom d’un village du plateau du Coiron, en Ardèche. Un village "mirabilis", étonnant, singulier, admirable...

 

MIRABEL

Photos d’une ruelle de Mirabel, où l’on voit le clocher d’une Chapelle.

 

J’ai entendu bien des fois des visiteurs de Mirabel, découvrant le village la première fois, s’exclamer : « Regarde comme c’est beau, regarde ce qu’il est beau, ce village ! » sans savoir qu’ainsi ils prononçaient le nom même du village qu’ils visitaient.

 

Ainsi va le monde. Ce qui est juste et vrai traverse le temps.

 

La traversée du temps est aussi ce qui nous permet de découvrir la multitude des fils qui s’entrelacent pour dessiner la trame d’un site. Dans cette trame, notre vie aussi est un fil. Comprendre où nous sommes, et le rôle que nous avons à jouer dans le présent, c’est aussi savoir d’où nous venons pour avoir la vision d’un futur qui nous dépasse et que pourtant, chaque jour, dans les choix de notre vie, nous construisons. L’Art est à la fois l’espace où se déposent les empreintes du temps et la vision des pas à venir. La Culture fait le lien entre les hommes, parce qu’elle leur offre des miroirs de tous les temps où ils se reconnaissent. L’expérimentation de la visite théâtralisée de Mirabel se situe dans ce cadre : créer une œuvre, à partir du vécu des habitants, de leurs mémoires, des récits qui se transmettent, que la parole circule pour nourrir "l’œuvre". Que les sciences, et en particulier la géologie et l’histoire, interrogent, recadrent, éclairent les dires et les vécus, que l’on se retrouve et qu’on en débatte. Regarde ce qui est beau ! Regarder la beauté s’apprend. C’est à nous aujourd’hui qu’il appartient d’apprendre à la regarder, la comprendre, la protéger, la consolider, la transmettre à nos enfants, pour qu’ils sachent d’où ils viennent, pour qu’ils puissent mieux comprendre où ils vont, pour que les visiteurs viennent et reviennent s’y ressourcer et qu’ils comprennent que les goûts des produits de cette terre racontent une histoire unique qu’ils ne retrouveront nulle part ailleurs. La visite théâtralisée les amènera à éveiller leurs sens.

 

 

 

 

 

MIRABEL

Photos des ruines de la tour du château Catholique de Mirabel, prise depuis le bas de la coulée basaltique sur laquelle elle est construite.

 

Alors que l’homme n’était pas encore apparu sur la terre, la matière déjà était en travail, l’eau, la terre, le feu des volcans et l’air s’affrontaient et se liaient dans les gigantesques contractions qui ont donné le jour au paysage que nous connaissons. Puis l’homme est apparu avec ses contradictions, ses affrontements et sa quête. Et chaque modification du paysage, chaque pierre posée, chaque construction porte la marque de tous ceux qui dans cet espace ont travaillé, ont rêvé, se sont battus, se sont aimés.

 

"Lire" un paysage, une ruelle, un flanc de vallée, un clocher d’église, c’est ne plus seulement regarder ce qui est, c’est éveiller la mémoire de tous les humains qui ont traversé le temps dans cet espace et comprendre les choix qu’ils ont faits. La richesse du Plateau et de Mirabel est telle que bien sûr, nous ferons aussi des choix mais en fonction de ce qui est le plus important dans la mémoire collective de Mirabel et de ses proches environs.

 

Lorsque je suis arrivée à Mirabel, les habitants m’ont spontanément parlé de ce que je devais voir et savoir, et j’ai suivi au fil de mes rencontres leurs conseils sans ouvrir un guide touristique ou un livre d’histoire. C’est ainsi que sont d’abord apparues pour moi les différentes époques qui ont marqué Mirabel et son plateau. C’est le fil conducteur que je garderai pour la trame de notre visite théâtralisée, en vérifiant les données scientifiques et historiques, même si elles s’entremêleront avec l’imaginaire :

  • Le relief, ses révolutions et son évolution.
  • L’arrivée de l’homme, la découverte des grottes et le chemin mystérieux qui y mène
  • L’arrivée des Romains, la rencontre du plateau avec une civilisation nouvelle et comment il s’en est trouvé modifié
  • La création de Mirabel à une époque où les hommes décident de se regrouper et de s’organiser, l’apparition de la notion de citadelle, pour se protéger, vivre sa foi, et les choix qu’elle représente
  • Le siège de Mirabel, la guerre, la destruction, les intérêts économiques, politiques, qui sous-tendent les affrontements entre les catholiques et les protestants, la Seconde Guerre Mondiale et la tour de Mirabel construite pour les combattants du Moyen-Age qui se trouve à servir de repère pour les avions de combat
  • L’arrivée d’un visionnaire, Olivier de Serres, qui a aimé cette terre et l’a voulue fertile pour que les hommes y  vivent mieux ensemble ; les difficultés de la mise en œuvre à travers les siècles de cette agriculture jusqu’aux choix actuels et aux visions du futur
  • Et les rêves des habitants, leurs visions, leurs désirs, leurs choix pour construire le futur que je recueillerai au sein d’ateliers d’écriture et de rencontres.
Photos prise depuis le haut de la falaise montrant une habitation troglodyte à Mirabel.

 

C’est la Traversée du Temps qui conduira le visiteur dans la Traversée de l’Espace et c’est l’espace qui éveillera le temps à travers ce qu’il nous donnera à voir, à chaque pas, dans les ruelles du village parce que les pierres, l’architecture, la qualité de la terre, la végétation, les rochers parlent de ce qui a été et nourrissent ce qui est, à travers notre regard et tous nos sens.

 

Alors que l’homme n’avait encore jamais marché sur la Terre, la pierre calcaire et sa blancheur, la pierre basaltique noire étaient déjà porteuses de deux histoires. À Mirabel, la pierre blanche et la pierre noire se sont rejointes, à Mirabel les couleurs extrêmes se sont entrelacées pour dessiner la beauté, la consolider. À nous aujourd’hui de relier nos forces, nos énergies, pour que l’agriculture et la culture s’entrelacent et se nourrissent. L’expérimentation qui nous est proposée allie de fait les deux forces vives de l’être humain : les nourritures terrestres et les nourritures spirituelles. Dans une société qui tente sans cesse de les séparer, notre mission est de faire le lien, d’ancrer ce lien.

 

À l’entrée de Mirabel, l’avancée rocheuse qui supporte la tour se dresse comme la proue d’un bateau que la pierre a fossilisé et qui aurait jeté l’ancre là, lorsque la mer couvrait encore la vallée. Sans doute le capitaine de ce bateau avait décidé de s’arrêter là et d’attendre que la mer se retire, parce qu’il savait qu’il découvrirait alors la beauté. Elle est sous nos yeux. Apprenons à la regarder pour mieux vivre, ensemble.

 

Regarde la beauté ! Mirabel !

Zarina Khan,
Mai 2001

Patrimoine et développement durable

La méthodologie de " l’empreinte "

En 2000, après vingt ans d’expérience au sein de la Compagnie Zarina Khan de Paris, Zarina Khan a souhaité développer l’axe "Ville–Campagne" et a créé un nouveau programme : Patrimoine et Développement durable, qui s’est ajouté à ceux de la Compagnie.

 

Dans le cadre de l’Union des associations Compagnie Zarina Khan qui défendent les mêmes objectifs regroupés sous l’intitulé : Culture et lien social (voir ici et ), est née la Compagnie Zarina Khan Rhône-Alpes, déposée en Préfecture de Privas le 26 juillet 2000 et située dans le village de Mirabel en Ardèche (07170).

1. La méthodologie

Le concept d’Itinérance Théâtrale créé pour la mise en œuvre de ce projet a permis d’élaborer une méthodologie innovante de valorisation du patrimoine fondée sur trois axes :

1.1. La vulgarisation scientifique

Le rapprochement entre le regard que l’on peut porter sur un site, l’émotion qui s’en dégage et la vision des scientifiques est la première étape du travail. Georges Naud, géologue et anciennement Conservateur du Musée de la terre de Privas nous déclare lors de notre première rencontre, que le savoir scientifique ne peut toucher le grand public que si la poésie en est le passeur. Notre approche va dans ce sens : ouvrir les yeux sur l’invisible, sur ce qui a été et qui n’est plus, et dont les chercheurs mesurent cependant et quantifient les traces. Comprendre que la terre naît, grandit, s’élève, stagne, s’inverse dans ses reliefs, bouillonne et réagit sans cesse aux affrontements des éléments qui la bouleversent, est l’occasion pour les humains qui vivent une étape de la construction du monde de s’inscrire en elle, et de se resituer dans l’histoire du monde.

1.2. Le regard des habitants, porteurs de mémoire et d’avenir

Qui d’autre que les habitants d’un village peuvent être les meilleurs porte-parole d’une mémoire familiale qui remonte parfois à des centaines d’années, des légendes et contes transmis de génération en génération, des anecdotes personnelles qui, racontées autour d’un feu éclairent tout à coup les livres d’histoire les plus touffus et colorent toute la vie d’une contrée ? C’est pourquoi l’élaboration d’une Itinérance Théâtrale ne peut se faire sans de nombreuses rencontres conviviales avec les habitants du village et des alentours. Leurs rêves, leurs visions de leur site, dans un futur qui les dépasse et pourtant qui dépend d’eux, sont des éléments essentiels pour tisser les mots du texte théâtral et donner vie aux voix des interprètes de la Visite.

1.3. Le développement durable, le tourisme et le cadre Culture-Agriculture

La traversée artistique d’un village, si elle s’appuie sur la science, le vécu des habitants et leur mémoire, est aussi ouverte à "ceux qui passent", à ces nomades du monde moderne, qui, sous prétexte de vacances, sont cependant tous en quête d’émotions qui vont structurer leurs voyages et allier l’enrichissement de leur regard sur le monde, à la découverte des beautés et des saveurs d’un terroir nouveau. C’est ainsi que la synergie des secteurs concernés sur un même site s’harmonise autour des Itinérances. Producteurs, agriculteurs, commerçants, acteurs du tourisme et du social, s’allient alors dans une dimension qui dépasse les convictions politiques, religieuses et les catégories sociales : l’Art et ses espaces multiples qui rapprochent les premiers hommes des derniers.

 

Le caractère innovant de ce concept s’enrichit d’une spécificité toute particulière : tout le parcours est conçu pour que les visiteurs qui découvrent le site et apprennent à lire les marques du temps, passent de l’état de spectateur, celui qui regarde, à l’état de "créateur de traces". Invités à écrire, les spectateurs conçoivent eux-mêmes la fin de l’Itinérance Théâtrale :

 

« Comme vos ancêtres ont dessiné sur les parois des cavités dans les falaises, la beauté de ce qu’ils voyaient, pour qu’elle vous soit transmise, posez sur l’écorce de cet arbre devenu papier un mot, une phrase, un signe de votre main tracé, un souvenir, une émotion, un paysage. »

 

Les visiteurs alors écrivent, posent leur empreinte. Après avoir lu les empreintes des mammouths et des premiers hommes, leur écriture leur est immédiatement restituée et prend place dans l’œuvre artistique et dans la continuité du temps de la Terre.

 

« Si ce papier, un jour prochain, comme nous, au cœur de la terre, redescend, moi, mémoire de toujours et d’antan, je sais que, comme les stries nacrées des coquillages, vos mots seront dans le sable fossilisés, ciselés à travers les âges. Je vois un jour lointain, dans un monde dont nous ne savons rien, des êtres qui sur les coquillages de vos mots se penchent et s’émerveillent. Et je les entends dire, dans une langue étoilée d’autres planètes : regarde que c’est beau ! Mirabel ! »

 

Le patrimoine s’est alors enrichi et modifié sous le regard actif des visiteurs qui eux-mêmes s’inscrivent alors en tant qu’individus dans un "patrimoine vivant" dont ils sont responsables et garants.

2. L’évaluation

Dans le cadre de cette recherche, la Compagnie a mis en place à partir d’un questionnaire et des rencontres, une grille d’évaluation, qui permet de travailler à la compréhension des publics qui se mobilisent, par générations, secteurs professionnels, appartenance à la vie associative. Cette grille permet de quantifier l’élargissement des publics tout en analysant les secteurs concernés.

 

Réunions bilans avec les élus, habitants et financeurs et la rédaction de rapports rythment l’évolution du projet sur le territoire et donnent au fur et à mesure les éléments d’analyse nécessaires afin de prendre en compte les souhaits spécifiques de la politique de développement durable, par territoire et d’atteindre les objectifs du programme, par phases.

3. Création d’une circulation à travers les espaces du patrimoine pour

  1. Rassembler ruraux et urbains d’aujourd’hui sur un patrimoine régional
  2. Fédérer les populations autour de projets culturels innovants
  3. Faire naître de futures initiatives

Les objectifs des Itinérances Théâtrales sont sous-tendus par une démarche cohérente de construction à long terme. Car s’il s’agit de contribuer au développement culturel et économique d’un territoire en y créant une attraction durable, encore nous semble-t-il nécessaire d’avoir un souci éthique clair concernant la mise en place de véritables échanges entre des personnes issues d’horizons différents. Celles qui se rendent aux Itinérances Théâtrales ne sont pas traitées en simples consommatrices de culture ou de produits du terroir. Des échanges ont lieu, des liens se tissent et chacun devient concerné par la vie de la région dont on découvre les potentialités à travers les questions et les désirs partagés, pour que villes et campagnes redécouvrent leur unité fondamentale.

 

Le projet d’étendre les Itinérance Théâtrale à d’autres sites ne peut se concevoir que dans une perspective de décloisonnement des espaces et des milieux. Ce décloisonnement s’opère à deux niveaux :

  • Ouvrir les habitants, c’est-à-dire la population locale à d’autres sites, c’est créer une circulation inter communes et rapprocher des gens qui vivent proches les uns des autres sans pour autant avoir l’occasion de se fréquenter.
  • Accueillir la population urbaine, l’emmener à travers un parcours qui tient compte de la diversité d’un même territoire, c’est permettre aux citadins de constater que les grandes questions qui les concernent ne se posent pas différemment dans les milieux ruraux, voire y prennent des formes bien plus parlantes (environnement, isolement, emploi, etc.).

 

Choisir des lieux forts en mémoire pour les itinérances n’est pas anodin. Le patrimoine géologique et historique est aujourd’hui un patrimoine humain autour duquel, plus qu’ailleurs, les gens sont susceptibles de se retrouver et de se concerter pour faire vivre leur région. L’atelier d’écriture conclut certes les spectacles, mais initie en même temps l’action à venir en démontrant que chacun à son mot à dire.

 

C’est pour cela que nous mettons en place, dans la continuité des Itinérance Théâtrale, des ateliers d’écriture et de pratique théâtrale, qui réunissent ruraux et urbains dans la construction d’œuvres communes, qu’elles prennent pour support le théâtre, le livre, ou la production audiovisuelle. Ensemble, les habitants et les vacanciers ont à créer un répertoire commun dont le territoire qu’ils partagent épisodiquement est la source et le lien.

 

Ce projet n’abonde pas dans le sens des préjugés et des rapports artificiels du cadre touristique. Il travaille à la mise en valeur d’une sagesse commune où chacun à sa place pour défendre les intérêts économiques, de l’environnement, de la qualité alimentaire, de la santé et du bien-être. C’est une solidarité à mettre en place.

Découvrez les Itinérances Théâtrales de Zarina Khan

4. "Les Chercheurs d’Or" : une mise en œuvre plus pédagogique

En 2007, la Compagnie Zarina Khan Grand Ouest met à l’essai un nouveau concept qui est au carrefour de la méthodologie de l’empreinte et des ateliers d’écriture et de pratique théâtrale : "Les Chercheurs d’Or".

 

À l’instar des Itinérances théâtrales, il s’agit de créer une œuvre sur le patrimoine d’un lieu ou d’une région donnée, mais cette fois-ci, la démarche de recherche et de création se fait avec la participation active des habitants et en particulier des enfants.

 

Ce sont eux qui vont à la rencontre des anciens, de leur voisin, des conservateurs de la mémoire du lieu où ils vivent. Ils découvrent ainsi par eux-même la richesse de leur patrimoine et la racontent ensuite lors d’ateliers d’écriture et de pratique théâtrale, animés par la Compagnie. Les textes issus de ces ateliers, habilement tissé par Zarina Khan, vont permettre la création d’une œuvre théâtrale qui sera ensuite proposée sur le territoire.

 

Le projet "Les Chercheurs d’Or de la pointe d’Étain", mené en Bretagne avec les enfants des Centres de Loisir des trois communes de Férel, Camoël et Pénestin, a été un franc succès puisqu’il a été élu "Plus beau projet du Morbihan" par la Fondation de France dans le cadre des projets "S’unir pour agir" en 2008.

 

Depuis septembre 2009, c’est cette fois la Compagnie Rhône-Alpes qui expérimente le concept sur le Pays d’Aubenas-Vals en Ardèche, avec les enfants du collège et des écoles de Vals-les-Bains : "Les Cherceurs d’Or au pays de la première image".