Companie Zarina Khan Official Website

Les 7 contre Thèbes d’Eschyles

& Souvenir des tragédies disparues

de Zarina Khan

Introduction de Zarina Khan

La pièce des "7 contre Thèbes" a 2500 ans. L’auteur, Eschyle, a inventé le théâtre, le personnage dramatique, pour permettre à chaque citoyen de participer à la vie de la cité. Peut-être faisait-il le pari que le partage des sentiments, de la souffrance, permettrait aux humains de rompre leur solitude et de se rapprocher les uns des autres pour mieux construire la cité.

 

Revenir aux mythes fondateurs est à chaque époque urgent. Aujourd’hui il est essentiel de les relier dans l’imaginaire des individus, à l’acuité d’une actualité qui fait l’économie d’interrogations existentielles.

Qu’elle est cette porte à laquelle je me heurte qui sans cesse
me sépare de moi-même ?

Détail de la septième porte - sculpture de Célestin Pierret

 

Détail de la 7ème porte
Sculpture de Célestin Pierret

 

Sept guerriers assiègent les 7 portes de Thèbes. Le Roi, Etéocle, est le fils d’Œdipe et de Jocaste. À la septième porte, son frère Polynice attaque. C’est la guerre qui nous cerne.

 

Eschyle nous donne cependant les clefs qui ouvrent des portes plus cachées. À chaque porte, se joue un combat intérieur : les forces du chaos, les pulsions archaîques, affrontent l’être qui se structure, les forces des dieux et du destin luttent avec l’homme libre.

 

Aux cinq premières portes, l’être se constitue. À la sixième, la conscience lève toutes les ombres. À la septième, il a le choix.

 

Eschyle fait d’Étéocle le premier personnage dramatique de l’histoire du théâtre.

 

Au printemps 467 av. JC, Eschyle présentait sa trilogie sur l’histoire d’Œdipe. Elle était composée de trois parties : l’histoire de Laïos et de Jocast, l’histoire d’Œdipe et celle de ses enfants. Mais les deux première parties ont disparues. Seuls "Les 7 contre Thèbes" ont traversé le temps.

 

J’ai commencé par traduire ce texte. Sur le chemin du mot juste à trouver, du rythme à faire renaître dans une autre langue, 2500 ans se sont d’abord désintégrés : fulgurance du questionnement inchangé de l’être. Puis, le temps à nouveau, a déposé sur ces premiers personnages dramatiques qui nous hantent toujours, les strates de réponses, ébauchées par les siècles, incomplètes, comme la trilogie d’Eschyle.

 

En traduisant la pièce, le manque des deux premières parties m’est cruellement apparu. À partir de la fin qui m’était donnée, et comme un spectateur qui aurait vu la trilogie il y a 2 500 ans, je me suis "souvenue" des scènes les plus marquantes d’Œdipe et de Laïos. C’est ainsi que sont nés, sous la dictée du temps, "Les Souvenirs des Tragédies Disparues" qui viennent hanter le texte d’Eschyle comme il me hante.

 

Lors de la création de la pièce en 1992, j’ai demandé à un compositeur, Pablo Bravo, à un peintre, Chris Delville, et à un sculpteur, Célestin Pierret, de réaliser chacun une œuvre en s’inspirant des deux textes, antique et contemporain, et de leur entrelacement.

 

Il est très important pour moi que des artistes traversent l’émotion du texte pour en faire jaillir leurs œuvres et qu’elles se rencontrent dans l’œuvre d’Eschyle.

Préface de Pierre Vidal-Naquet

Au centre des "7 contre Thèbes", dans un dialogue entre le héros de la pièce, Étéocle, et l’espion qu’il a envoyé pour observer le camp adverse, celui des sept chefs qui veulent détruire cette cité grecque, huit boucliers sont décrit, dont un seul ne porte pas d’emblème ; les autres nous font passer du ciel étoilé à Zeus, des hoplites aux femmes, du monde de la cité à celui de la famille, celle des Ladbacides, dont le destin se joue, une fois de plus, dans la pièce : après la mort d’Œdipe, avant celle d’Antigone, le malheur d’Étéocle et de Polynice.

 

Pour que la cité se libère, il faut que cette famille-là soit détruite. Étéocle est à la fois le général qui trouve pour la cité dont il est le chef, les inventions qui la sauveront et le rejeton maudit d’Œdipe, fils de Laïos.

 

Toute traduction retranche et ajoute au texte. Elle est choix, interprétation.

 

La traduction de Zarina Khan a fait, je crois, les bons choix. Quant aux ajouts, variations sur les Tragédies Disparues d’Eschyle, qui sont centrés sur le désir d’enfant de Jocaste et de Laïos, ils ne cherchent pas à être de l’Eschyle.

 

Mais ils ont à nous faire sentir en hommes et femmes d’aujourd’hui un peu de cette horreur sacrée que ces thèmes faisaient respirer à Athènes. Cette réussite là est sans prix.

Arbre généalogique de la famille des Labdacides et schéma de la Cité de Thès avec ses 7 portes. Graphisme : Jacques Lecompte

 

à droite : schéma de la Cité de Thès avec ses 7 portes

 

Note de l’éditeur

"Les 7 contre Thèbes" d’Eschyle pourraient n’être qu’une histoire de guerre où des armées se dressent l’une contre l’autre jusqu’à épuisement du scénario.

 

Il n’en est rien. le texte original traduit par Zarina Khan parvient à nous faire pénétrer dans les entrailles de la guerre. Les images sont saisissantes.

 

Au d&eaucte;tour de l’action, le voile se déchire. Ces guerriers, ces murailles tremblantes, ces cris de peur de la ville assiégée nous racontent une autre histoire : celle de l’être humain qui affronte son destin de mortel.

 

Cet éclairage du texte d’Eschyle est renforcé par l’apport essentiel des "Souvenirs des Tragédies Disparues" de Zarina Khan. ils agissent comme un révélateur et nous ouvrent les portes de cette dimension à la fois émotionnelle et philosophique.

 

En lisant vous ferez peut-être, comme &Etéocle, le chemin qui mène aux sept portes de Thèbes. Vous tenterez de répondre aux questions que le messager pose au roi. Si nul ne sait ce qui est au-delà du seuil de la septième porte, l’important n’est-il pas d’apprendre à se connaître pour savoir, le jour venu, qui franchira la porte ?

 

François Stuck, Volk éditions

Extraits de la pièce

Prologue

"Souvenirs des tragédies disparues"

LA SPHINX

 

Illustration de Chris Delville

 

Thèbes, c’est moi. Non, c’est elle, c’est surtout elle. Moi, je suis la face cachée de Thèbes, la lépreuse qu’on brûle la nuit et qui renaît tous les matins parce que la nuit, dans la ville, me génère. Tandis qu’ils me brûlent en secret dans les décharges interdites, et qu’ils me voient me tordre et me décomposer dans la flamme illusoire, je me recompose dans leur dos et je peux rire de leur satisfaction éphémère. Les Sept sont contre Thèbes, vous dira-t-on. ils ne sont pas contre moi. Ils sont en moi, les Sept guerriers qui attaquent au grand jour. Elle, c’est la ville qui se garde, qui hiérarchise, qui se structure pour lutter contre les Sept chevaux qui assaillent la conscience.

 

Thèbes, c’est vous. Et vos sept portes gémissent sans relâche sur les gonds fragiles sculptés par des forgerons orgueilleux qui croient pouvoir maîtriser les forces de la terre et du ciel.

 

Ils vont vous raconter une guerre et vous parler de victoire ! N’en croyez pas un mot. La guerre dont il s’agit n’a pas d’histoire et les tristes héros baigneront dans le sang juste le temps de votre sommeil.

 

Au matin, ils seront à nouveau vivants, et danseront la valse sans fin des hommes, dans les salles de bal aux vitres sans rideaux, sans tentures pour taire les cris agglutinés.

 

C’est à elle que le roi parle, c’est elle qu’il aime et pour elle qu’il se sacrifie ou du moins il le croit. Quand il la déteste, c’est moi qu’il déteste en elle mais il ne le sait pas. Au prix de sa vie, il dit qu’il la sauvera. Chacun cherche ainsi le repos qui délivre et si, au passage, il glane le titre de héro, il espè au moins séduire les rêves des enfants qui grandissent.

 

Les vieux, le soir, racontent et le soir, on les croit. [...]

 

Prologue (suite)

"Les 7 contre Thèbes"

 

Illustration de Chris Delville

 

ÉTÉOCLE

 

Tais-toi ! Tais le malheur. N’effraie pas les tiens.

 

LE CHŒUR

 

D’accord, je me tais. Mon sort sera celui de tous.

 

ÉTÉOCLE

 

Bien. J’ai déjà oublié tes cris. Fais plus encore : laisse à présent ces statues. Il n’y a qu’une prière à adresser aux Dieux : qu’ils combattent avec nous. Écoute; à ton tour ma prière : je veux que tu fasse naître la clameur sacrée, que tu jette le cri qui salue la chute des sacrifiés, je veux que ta voix appelle l’audace, qu’elle nous délivre de la peur du combat.

 

Et moi, je le dis au pays, à la terre, au gardien de nos places, aux sources et aux fleuves qu’elles engendrent, si tout s’achève, si la ville est sauve, j’immolerai des taureaux, j’offrirai sur les autels le sang... des brebis. Je le promets.

 

Et des vêtements de nos ennemis déchirés par les lances, je ferai des couronnes pour les saintes maisons. Dis-le aussi aux Dieux, sans gémir. Tes halètements sauvages ne te feront pas échapper au destin.

 

Moi, je vais aux sept portes poster six guerriers. Je serai le septième. Et nous affronterons l’ennemi avant que de volantes rumeurs ne nous rûlent de détresse.

 

Étéocle sort.

 

LE CHŒUR

 

Illustration de Chris Delville

 

Je voudrais t’obéir. L’angoisse est installée aux portes de moi-même. Elle y attire la peur. Comme le serpent cerne le nid de la colombe, l’armée me cerne et comme l’oiseau, j’ai peur. Les uns marchent déjà en masse vers nos murs. Les autres enveloppent la ville de pierres tranchantes. Que vais-je devenir ?

 

Que trouverai-je en échange, si je laisse à l’ennemi la terre féconde, l’eau, le breuvage le plus riche que font jaillir l’encercleur des terres et toutes ses filles... Que sur les hommes, au-delà de nos murs, s’abatte en un dernier sursaut la lâcheté qui perd les guerriers ! Que leurs armes deviennent folles et s’égarent !

 

Pitié ! Dois-je voir ma ville aux enfers projetée, cendre frêle, sable sous la lance, asservie, saccagée ?

 

Dois-je voir les femmes déchirées, jeunes et vieilles de douleur, traînées par les cheveux, comme des juments !

 

Dois-je me voir enfin, vidée de ma clameur, à ma perte enchaînée !

 

J’ai peur. J’ai peur de mon destin. Elles pleurent, les filles au corps intact, celles qu’on mènera à des maisons sans amour. La mort n’est pas le plus grand des malheurs. Quand une ville succombe, l’un prend, l’autre tue, ailleurs, on incendie. Le feu lèche la ville. La guerre dompte les hommes et viole chacune de nos croyances.

 

La ville gronde. Autour d’elle, le filet tend un cercle pour étreindre ses tours. Le guerrier se couche sous le guerrier debout. L’enfant pleure et ses larmes sont rouges. Sa plainte est enfantine tandis que la mort le berce. Et partout, on court, on rapte. Un pillard aux mains pleines croise un pillard aux mains pleines. Un pillard aux mains nues appelle un pillard aux mains nues pour avoir un complice mais nul ne veut partager.

 

La suite, on la connaît, elle est toujours la même. Les fruits sont tombés au sol, les récoltes éparpillées baignent dans le sang.

 

Ce que la terre a donné s’en va, cadeau fait au néant. Les filles sont tombées sous des hommes de hasard, promises à d’autres hommes qu’on appelle les "vainqueurs". [...]

Souvenir I  LAÎOS

"Souvenirs des tragédies disparues"

 

Illustration de Chris Delville

 

JOCASTE

 

Quel est-il, le dieu qui aurait eu le dessin pervers de me vouloir femme et de m’interdire de donner le jour&nsp;? L’Oracle t’a trompé. Les oracles sont aussi des hommes. L’envie les aveugles. Tu es roi, tu as pour femme celle que tu désirais. Un enfant, Laîos, un enfant né de toi et de moi, comment ferait-il notre malheur ?

 

LAÎOS

 

Il me tuera.

 

JOCASTE

 

Celui qui ne connaît pas encore la nuit tendre de sa mère te tue déjà ? Par la personne de cet oracle, c’est un dieu qui te tend un piège. Espiègle, joueur, ce Dieu s’amuse de ton désarroi et te regarde trembler.

 

Tu mets en péril ton amour : que ferais-je d’un homme qui me refuse telle que je suis, femme et féconde comme la terre ? Féconde comme celle qui porte, dans ton pays, les oliviers vigoureux et la tendresse blonde du blé et les orangers aux fleurs enceintes de sommeil. Féconde comme celle que la mer pénètre et qui se laisse bercer. Elle porte les mirabilis qui s’ouvrent à la nuit et les ibiscus qui s’ouvrent au soleil.

 

Elle donne aux hommes et aux femmes la pénombre pour que le désir se métamorphose et que la nuit donne l’enfant au jour. Pour le recevoir, tout est prêt, Laîos. Ainsi l’a prévu la terre.

 

Ce Dieu moqueur voudrait-il aussi lui interdire et les fleurs et les fruits et la nuit et le jour qui font qu’elle est la terre, sous prétexte qu’ils la tueront un jour ?

 

Je dirais comme elle : si le jour et la nuit et les fruits et les fleurs que j’ai portés doivent se refermer sur moi et m’anéantir, qu’ils se referment. Ils en mourront à leur tour. mais, si je suis femme et féconde, c’est pour porter la vie. Lève la tête, Laîos, cesse de trembler et regarde le Dieu qui se rit de toi. As-tu peur de la mort au point de renoncer à la vie ? [...]

 

 

 

 

 

 

 

Illustration de Chris Delville

Représentations des 7 contre Thèbes

"Les 7 contre Thèbes" ont déjà vu le jour en février 1991 dans le cadre de journées de recherche au Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes à Paris.

 

Le succès de ces sept représentations a ouvert sur un cycle long : en janvier 1993 le théâtre de la Tempête programme «Les Sept contre Thèbes» pendant un mois, dans une nouvelle version, avec de nouveaux comédiens et créateurs.

 

La pièce fait salle pleine pendant un mois.

 

Sept ans plus tard, une nouvelle version des "7 contre Thèbes" est mise en scène par Zarina Khan dans le cadre de la Culture de la Paix.

 

Illustration de Chris Delville

Revue de presse

Autour de la version

du Théâtre de la Tempête 1993

Zarina Khan traduit, adapte et met en scène la belle pièce d’Eschyle "Les 7 contre Thèbes".

 

C’est dire la culture, l’intelligence et le courage de cette jeune femme qui n’en est pas, avec sa compagnie, à son coup d’essai.

 

Sept représentations exceptionnelles pour ces "7 contre Thèbes", la troisième partie d’une trilogie qui a, seule, résisté aux ravages du temps. On connaît surtout la suite de l’histoire grâce à la fascination exercée sur de nombreux auteurs par la petite Antigone, mais la guerre elle-même qui oppose les deux frères (surtout dans le contexte actuel, c’est peu dire qu’Eschyle parle admirablement de la guerre et de ses horreurs…) est tout aussi passionnante.

 

Ceux qui aiment la tragédie grecque ne manqueront pas de faire un tour au Théâtre de la Tempête.

Jean Luc Jenner, Figaroscope

 

[...] "En traduisant la pièce, le manque des deux premières parties m’est cruellement apparu", explique Zarina Khan qui met en scène "les 7 contre Thèbes" à la Tempête.

 

Si "cruellement" qu’elle n’a pas craint d’imaginer des scènes de &auot;Laïos et d’Œdipe", les injectant comme des flash-backs au spectacle. Comme on dit, il fallait oser. Elle a bien fait d’oser. Ses textes ne jouent pas de la reconstitution. Ils sont directs, évocateurs, chaleureux.

 

"En lui nous regarderons le monde non pas tel qu’il est mais tel qu’il doit être", fait-elle dire à Jocaste. Cette volonté de ne pas se contenter des choses "telles qu’elles sont" fait tout le prix d’un spectacle au charme inclassable. C’est à tout moment le fruit d’un beau désir de théâtre.

René Solis, Libération

 

[...] C’est une parole grave, une parole d’espoir et de responsabilité, qu’avec autant de modestie que d’intelligence, Zarina Khan a su nous faire entendre. Qu’elle en soit, - au milieu du grand tintamare que provoque au théâtre le déferlement des Grecs, qui n’a peut-être d’égal que ce qu’on racontait autrefois des grandes invasions doriennes -, remerciée. »

Guy Bruit, Raison présente : Théâtre

 

Il y a peut-être 7 portes dans le mythe, mais à entendre Zarina Khan, on perçoit qu’elle ouvre en permanence une infinité de portes, qu’elle frappe inlassablement à toutes les portes du ciel, de l’enfer, de l‘ailleurs, de l’invisible, du silence pour y chercher quelque chose bien sûr, mais peut-être - et c’est une lecture personnelle que je fais - pour chercher, comme Camus dans les pierres, les parfums et l’azur de Tiposa, ce qu’elle sait déjà mais enfoui, inaudible, inaccessible.

 

Et ce qu’elle en fait et qu’elle nous dit c’est peut-être que la peinture, la sculpture, je veux dire la forme, la matière, la couleur sont un peu comme les mirages accomplis, charnellisés du dramaturge, un peu comme ces formes, ces matières, ces couleurs qui jaillissent du fond des hallucinations que le désert et la soif enfantent.

 

Et puis inversement la parole tout court, et la parole du théâtre en particulier sont pour le peintre, le sculpteur, cette voix humaine qui à la fois sussure à l’artiste des lambeaux de secrets, comme des balbutiements de l’invisible, de l’espace insaisissable et qui en même temps vient lui chercher noise, le chercher au delà, en deçà de son langage, de ses instruments.

 

En un mot, il y a dans cet accouchement collectif comme un enfantement polygamique, polyandrique, polychrome qui ressemble étrangement à la naissance de la Cité. Avec son destin de grandeur et de fragilité...

Allocution de Paul Tabet, Fondation Beaumarchais
(Association fondée par la SACD pour la promotion des auteurs de ses répertoires)

 

"Les Atrides" d’Ariane Mnouchkine - "Les Labdacides" de Zarina Khan

 

Analyse comparative

 

En adaptant "Les 7 contre Thèbes" d’Eschyle au théâtre de la Tempête, Zarina Khan exprime comme Ariane Mnouchkine son amour pour le texte grec. Mais en ajoutant à ce texte qu’elle a traduit elle-même, ce qu’elle appelle "Souvenirs des tragédies disparues", Zarina Khan a procédé à une réécriture plus radicale et plus audacieuse. Elle se fonde sur le fait historiquement attesté que "Les Sept contre Thèbes" sont la troisième pièce d’une trilogie dont les deux premières étaient consacrées à Laïos et Œdipe. [...] Zarina Khan veut réécrire le mythe en faisant descendre le ciel sur la terre, en rendant les hommes responsables de leurs gestes, de leurs peurs meurtrières et de leurs alliances monstrueuses. D’où les personnages qu’elle ajoute à la tragédie d’Eschyle : la Sphinx, Laïos, Jocaste. [...]

 

Zarina Khan et Ariane Mnouchkine, sont deux femmes qui ont pratiqué par leur mise en scène, par leur adaptation, leur invention, une réécriture des mythes grecs. Sans tapage, sans manifeste, elles font entendre, non un style - peut-on croire à "l’écriture femme" ? - mais un plaidoyer ou une revendication de la femme.

 

Langage d’hommes, les mythes deviennent aussi paroles de femmes.

Marie Miguet-Ollagnier, Revue d‘Histoire du Téatre, n°1 - 1994

 

Au théâtre de la Tempête, Zarina Khan monte les Sept contre Thèbes dont elle fait l’adaptation et la mise en scène.

 

Elle y joue elle-même Jocaste, qui ne figure pas dans la tragédie d’Eschyle, mais dans le reste de la Trilogie, aujourd’hui perdue. Ces "Souvenirs des Tragédies Disparues", Zarina Khan les a retrouvés. S’agit-il d’audace ou d’inspiration, de vision, d’une certaine mémoire qui n’est pas la mémoire ordinaire ?

 

On le croit volontiers en voyant la représentation : magique.

Magazine Autrement, n°136 - Mars 1993

Cette œuvre est disponible sur commande