Atelier d'écriture et de pratique théâtrale

Atelier d'écriture et de pratique théâtrale

Les grands principes

La méthode de Zarina Khan consiste à éveiller chez l’individu les questions fondamentales. Dans ce processus "maîeutique", les outils utilisés pour permettre à chacun de formuler et de partager son questionnement sont l’écriture et la pratique théâtrale.


1.1 Se recentrer

L’écriture sur le papier est une étape de concentration entre soi et soi. Quel que soit le thème choisi pour l’atelier d’écriture et de pratique théâtrale, on guidera la personne vers ce qui est important, ce qui est le plus important pour elle. Chacun livre alors au papier ses secrets et se voit apparaître dans les mots, reflets d’un lui-même souvent enfoui.

1.2. S’ouvrir aux autres

À cette étape solitaire, où il se sera recentré sur lui, va succéder la découverte de l’autre, des autres, à travers la lecture à haute voix des textes. Les mots de chacun résonnent dans l’espace, marquent le silence de leur empreinte, et l’écoute leur donne un relief inattendu. Chaque auteur découvre ses propres mots retransmis par la voix d’un autre, et simultanément, "entend" les autres à l’écoute de sa pensée. À son tour, il écoute les textes des autres et découvre avec stupeur les territoires communs de la pensée, les sentiments universels qui les traversent. Alors qu’il pensait l’autre si différent de lui-même, en entrant dans le pays étranger de sa pensée, voilà qu’il y reconnaît soudain des sensations, des sentiments, des souvenirs qui sont les siens ! Quelle est cette terre où on est sûr pourtant de n’être jamais entré et où pourtant l’on reconnaît un parfum, l’ombre bienveillante d’un arbre, le murmure de l’eau, d’une source proche et cachée ? C’est la terre des hommes, où les sentiments génèrent des repères familiers dans l’extraordinaire diversité des paysages de chacun. À ces deux étapes de concentration puis de partage va succéder immédiatement une autre forme d’écriture.

1.3. Être dans l’espace avec les autres

La troisième étape est celle de l’écriture du corps dans l’espace. L’improvisation théâtrale dans un espace défini comme celui de la représentation, va pousser l’individu à se situer, à prendre sa place dans cet espace "avec" les autres. Son corps comme sa voix vont se mesurer à ceux des autres. L’improvisation ne laisse pas de temps à la réflexion. Dans la spontanéité de la parole, du geste, de la démarche, pour que puisse s’élaborer une fiction, à l’allure du réel de la vie, tous les sens sont appelés à se démultiplier, et en particulier l’écoute, le regard, le toucher. Chacun est poussé à exister pleinement en rapport avec les autres, et avec l’espace qui l’entoure. Si le lien est brisé, soit avec les partenaires, soit avec l’environnement, l’histoire s’arrête, et si elle s’arrête, c’est pour l’auteur de la rupture comme pour le groupe une douleur. Pour que l’action se développe, chaque auteur-acteur est dépendant des autres et de l’espace qui l’entoure. La prise de conscience est à la fois celle de la responsabilité de chacun. L’acteur est dans la responsabilité totale de l’interaction dans le triangle lui, les autres, l’espace. En improvisation, il est le metteur en scène en présence d’autres auteurs-acteurs-metteurs en scène, dont il est appelé à construire une histoire commune... Et cette improvisation, chacun le sait, ne pourra jamais être reproduite, à l’identique. À travers elle se profile la création plus grave et tout aussi éphémère d’une histoire qu’aucun d’entre eux ne pourra jamais recommencer, et qui ressemble étrangement à celle de notre vie...

1.4. Cristalliser l’écriture

À la fin des ateliers, un texte dramatique cristallise ces moments d’émotion, de découverte, de prise de conscience, de rencontre avec soi et avec l’espace, dans un texte : une fiction à partager avec d’autres voyageurs inconnus qui y trouveront, à travers la simple lecture des mots, des éveils et de nouveaux repères.

1.5. Traverser l’espace de l’art toujours vivant

Le jeu dramatique trouve enfin son aboutissement dans un spectacle vivant, présenté dans un théâtre, dans des conditions professionnelles, ou dans une œuvre filmique, documentaire vidéo ou fiction cinématographique. Cette cinquième étape est aussi essentielle que les autres dans le processus de valorisation de chacun, de confiance, d’estime de soi et de respect de l’environnement. C’est l’instant précieux et unique, où un groupe, fédéré par ces différents étapes, s’ouvre au monde pour partager les beautés du chemin parcouru.

Invitation au voyage, l’art dépose ici, au creux de l’espace, l’empreinte microscopique de la vie de quelques humains. Les vagues du temps la feront émerger, courir sur leurs sommets, pour l’engloutir un jour dans les profondeurs de la mémoire collective. Là où le sens, silencieux, frémit et affleure à la surface du présent, pour ceux-là seuls qui guettent son murmure.

À lire :
Histoire d’un atelier



Espace pour le droit à l’expression de l’enfant

Zarina Khan développe depuis 30 ans la création d’espaces d’expression, d’abord au sein du milieu scolaire de façon à toucher tous les enfants puis au sein des quartiers, afin de créer des passerelles positives entre l’École et la Vie de la Cité.

Elle se définit en 7 points :

2.1. Espace de questionnement

Le concept de l’atelier est d’ouvrir dans le cadre scolaire et périscolaire un espace où l’enfant va pouvoir partager ses questions fondamentales.

Très tôt, l’enfant est à la recherche du sens de la vie. L’aider à formuler ses questions, à les partager avec d’autres, confronter son questionnement profond à celui des autres enfants dans un cadre rigoureux est l’objectif premier de l’atelier.

2.2. Espace de création

L’enfant "consommateur" va se découvrir "créateur". Dans cet espace, l’enfant va être appelé à construire un personnage avec sa pensée et le nourrir avec ses sentiments. Le personnage de fiction va paradoxalement lui permettre de se révéler dans la sincérité de ses sentiments. Protégé par le personnage, l’enfant n’est pas en danger. Il devient son complice et peut le faire parler "librement", sans peur du jugement du groupe.

À travers le personnage, il accepte de dévoiler son imaginaire secret et de découvrir sa spécificité. Il va exprimer ses sentiments avec ses mots, avec son corps, les offrir aux autres et se révéler différent, unique et en cela nécessaire au groupe.

Au détour du personnage qu’il construit, il découvre sa capacité de création qui sera la base de sa confiance en lui, de l’estime de soi.

2.3. Espace d’écoute et de respect de l’enfant

Souvent pour la première fois, l’enfant n’est plus en position "d’enseigné". Tout est concentré sur sa parole, sur ce qu’il a à apprendre de lui-même aux autres, sur sa vision du monde. Il n’est plus seulement celui qui absorbe et dont on surveille la bonne qualité d’absorption. Il va puiser en lui-même et non plus dans les références du savoir et ainsi découvrir la richesse de ce qu’il est. Sa relation au savoir et à l’apprentissage s’en trouvera modifiée. Il aura conscience d’enrichir son univers par l’accès à la connaissance.

2.4. Découverte de soi et intégration au monde

Dans cet espace, il est écouté, regardé pour ce qu’il est. Dans l’écoute et le regard des autres, il trouve sa place confirmée par le groupe. Rassuré, il va alors pouvoir écouter et regarder. Il va être surpris par la richesse de chaque enfant, par la diversité des autres, et prendre conscience qu’un monde l’entoure et qu’il y est intégré.

2.5. Espace de partage

Dans le partage des questionnements, la solitude de chacun apparaît. Si chacun est unique, chacun est aussi seul avec des données de vie qui sont les siennes. L’enfant découvre que son histoire ne ressemble à aucune autre, que l’histoire de chacun est faite de joies et de blessures et que cependant, il partage et tisse avec les autres, l’Histoire de son temps, de son pays. Il prend conscience qu’il a un rôle à jouer dans la Vie de la Cité et une responsabilité qui lui incombe.

2.6. Espace culturel

La création des personnages débouche sur l’élaboration d’une œuvre artistique. En tant qu’œuvre, elle va sortir du groupe et de l’école et le partage se fera à l’échelle de la société. Du groupe, microcosme créateur, l’enfant va pouvoir s’adresser au macrocosme social.

En investissant les espaces culturels, sa parole va être prise en compte par la société. Le droit à l’expression de l’enfant ne trouve son aboutissement que si cette expression est reconnue par les structures culturelles à part entière. L’enfant s’inscrit par sa création dans le rituel culturel. Les espaces culturels, théâtres, cinémas, bibliothèques, lieux de partage de la condition humaine, s’ouvrent à sa parole. Valorisation des auteurs - acteurs de la création mais aussi de tous les enfants spectateurs-lecteurs, qui directement concernés par la parole "d’enfants comme eux" vont apprendre à recevoir leur œuvre, à la regarder, l’écouter, la lire. En tant que spectateurs, ils donnent vie à l’œuvre de leurs camarades dans la Cité, la prennent en charge et deviennent les relais actifs d’une parole qu’ils se sont appropriée.

Les représentations ou projections publiques de l’œuvre artistique assurent le lien entre l’école, le centre de loisirs et le monde extérieur, entre les enfants et les adultes, comme entre les enfants de différents niveaux et au-delà, entre les établissements sociaux, culturels et scolaires de France et du monde.

2.7. Espace de solidarité

La valorisation de chacun ouvre sur la reconnaissance de soi et des autres comme acteurs et créateurs de leur vie. Le partage de la solitude et la découverte de la souffrance de chacun ouvre la voie à la Solidarité. Facteurs de libération pour ceux qui les écrivent, les mots vont avoir un pouvoir de réconfort et briser l’isolement de ceux qui les reçoivent. L’enfant n’est plus victime de son sentiment d’impuissance, il entre dans l’action de modification du monde et en cela il prend conscience de sa mission de solidarité.

Sa parole existe. Prise en charge par les espaces culturels, elle va voyager, construire des ponts entre les cultures et confirmer la place indispensable de chacun dans l’histoire des humains.